Marianne Faithfull – 25/11/16, Paris, Le Bataclan

Toute de noir vêtue, Marianne était en deuil, mais Marianne a su rendre hommage

Par où commencer…Revenir au Bataclan, ça ne laisse pas indifférent. Je ne connais personne, personne ne me connait, mais on pense tous à la même chose, et sait qu’on pense tous la même chose…toutes ces victimes et un an après, nous on est debout, on vit, on rit, et on vient même assister de nouveau à un concert, ici, dans cette salle. Faut-il culpabiliser ? Faut-il les honorer ? Faut-il continuer ? Quoiqu’il en soit, nous sommes là.

Dans l’attente, une homme me demande « excusez-moi, vous êtes Mélissa ? » euhhhhh bordel je suis une célébrité ici ?? Le hasard, il s’agissait de Jean-Marc, une personne à qui j’avais revendu une place pour Austra il y a au moins 4 ans ! J’ai également fait la rencontre d’Elisabeth, à qui j’ai aussi revendu une place (décidément, on va croire que je fais mon business, mais pas du tout). Très sympa mais on n’est pas à l’aise quand on parle à une psychologue, on pense qu’elle va nous décortiquer en 2 secondes héhé (je sais qu’elle passera par ici alors coucou Elisabeth)

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Il est 19h, ma petite personne s’en va au guichet récupérer sa place « invitation ». Et ouais, la grande classe ! A mes côtés, Eudeline, le journaliste de Rock N Folk, et d’autres personnalités du milieu (ça se voit à la façon de se parler « dis moi, tu veux que j’te file le num de Thierry Suc ? » « j’attends Barma et on rejoint Marianne au bar » bref, on n’est pas dans le même monde, mais j’m’en fous, je suis là pour Marianne, et je suis au 3e rang.)

J’appréhende un peu ce concert. Marianne je l’ai vue pas mal de fois mais il faut avouer que ces 2 dernières années, elle a rapidement déclinée, (fracture du coccyx, de la hanche puis infection des os…). La dernière fois que j’ai été la voir,c ‘était l’année dernière au Trianon de Paris, et ça m’avait fendu le cœur.

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invitée bébé !

Ce soir, Marianne n’est pas vraiment en tournée, elle est là pour rendre hommage. C’est le Bataclan qui lui a demandé de venir et elle a répondu « j’en serai honorée, ça ne sert à rien d’avoir peur ». Marianne était sur Paris le soir des attentats, elle est une Parisienne d’adoption depuis des années, heureuse dans son appartement près de la Gare Montparnasse, malgré le fait qu’elle ne parle toujours pas Français. Le lendemain de la tuerie, elle a pris sa plume et a écrit They Come At Night, qu’elle interpréta donc pour la première fois hier soir en expliquant « Pour moi c’est un concert important, il y a beaucoup de choses dont je dois faire le deuil à travers la musique et les mots »

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Marianne Faithfull, 25/11/16, Le Bataclan, Paris

La première partie est assurée par le topissime Ed Harcourt, qui a composé plusieurs fois pour Marianne. Ce dernier fera 5 titres, tantôt au piano, tantôt à la guitare, tantôt seul avec un micro vintage des années 50. Il a une voix magnifique, et une superbe prestance.

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Ed Harcourt fumant la cigarette de Marianne, Bataclan 25/11/16

La salle se remplit peu à peu, il est 21h, c’est le moment. Le groupe arrive (Rob Ellis, Warren Ellis l’exceptionnel violoniste de Nick Cave, Ed Harcourt and Rob Mcvey) et se place derrière leurs instruments. De chaque côté de la scène, des cameramans filment et moi j’ai mon p’tit cœur qui tape.

Marianne arrive sur scène, tenue par son assistante jusqu’à son micro et pupitre. Elle marche très mal, appuyée sur sa canne, elle cherche ses lunettes qu’elle ne trouvera pas. Bordel, elle n’a pas ses lunettes. Elle demandera au premier rang d’essayer les lunettes des uns et des autres, mais rien à faire. Elle rigolera comme toujours, pendant qu’en coulisse, ça panique et ça s’active. On sent véritablement que tout le monde veut prendre soin de Marianne au maximum et retient son souffle à chaque seconde (qu’elle ne tombe pas, qu’elle se rappelle des paroles….). Ouf, après 5 bonnes grosses minutes, on lui remet sa paire et enfin, elle nous aperçoit. La salle est debout, ça applaudit et moi j’ai les larmes qui montent. Elle est belle ! Carré plongeant blond impeccable, toute en noire, elle porte le deuil mais son sourire est intact.


La soirée commencera sur un petit discours concernant les attentats, puis le premier titre sera une reprise de son vieil ami récemment disparu, Léonard Cohen, avec Tower Of Song. Elle enchaînera de suite après avec Broken English, toujours une claque ce titre. Le reste de la soirée sera très calme, elle n’a plus la force. Au bout du 4e titre elle s’assiéra dans son fauteuil puis se relèvera de temps en temps, non sans peine, via sa canne. Au milieu, elle restera finalement assise et ne se relèvera que pour la dernière chanson The Ballad Of Lucy Jordan (elle a d’ailleurs frôlé la chute car l’assistant l’a lachée trop vite, elle n’avait pas eu le temps de se stabiliser contre le micro et toujours avec son humour « ho good lord no, no more falling ! ».

Cependant, elle souffre peut-être mais elle n’a pas radié la clope. Que serait Marianne sans sa cigarette sur scène ? Ça la fait tousser mais elle s’en fout, elle dit qu’elle gaspille tout son argent pour cette merde et surtout qu’elle ne tire que 2-3 lattes par cigarette, ce qui est ridicule. Un très beau moment c’est quand on arrive à ce qu’elle nomme « and now, the junkie’s corner » avec Sister Morphine dans une version de 9 min ! Enfin, je l’ai eue en live ! Merci pour cette introspection dans ton coin des drogués Marianne. Sister Morphine m’a bercée des années, c’était mon réveil avec Stripped de Depeche Mode.

J’ai filmé, pas le choix, mais je ne me suis pas pris la tête à lever les bras pour emmerder tout le monde, alors vous vous contenterai de ça !

Pendant la présentation des musiciens, Marianne évoquera son nouvel album (Negative Capability) qui est en préparation puis évoquera aussi la présence ce soir de son ex mari, François Ravard (actuellement son manager). Elle présentera aussi sa proche amie, la danseuse étoile Marie-Agnes Gillot, qui viendra danser sur Love More or Less (comme l’an dernier).

Etant tout devant, j’ai pu en prendre plein la vue sur la prestation de Marie-Agnès, et bordel, son dos ! Son dos c’est inhumain ! Je ne savais pas qu’on avait autant de muscles.

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Marie-Agnes Gillot, 25/11/16, Le Bataclan

Les titres de Nick Cave avec entre autre Late Victorian Holocaust, seront mis en avant, fou l’admiration qu’elle peut lui porter (et on la comprend). On aura également, de mémoire, As Tears Go By, Baby Blue, Crazy Love et Vagabond Ways.

Marianne en deuil, en deuil des victimes du Bataclan, en deuil de Leonard Cohen, en deuil de David Bowie mais également de son ami proche Martin Stone décédé la semaine dernière en France. Elle lui dédiera une chanson inédite ce soir, Don’t Go.

Petits couacs sur les titres They Come At Night et Ballad Of Lucy Jordan, où Marianne oubliera les paroles et aura du mal à suivre sur son pupitre. Mais on lui pardonne tout, n’est pas Marianne qui veut.

Vous l’aurez compris, la soirée était intime, grave mais pourtant Marianne a su nous faire rire après chaque titre, comme elle sait tant bien le faire.  Le concert aura duré 2h ! Elle a du tout donner, et à la fin, elle est repartie comme est venue, au bras de son assistante, émue.

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Marianne Faithfull, Le Bataclan 25/11/16

En sortant, petit debrief avec Elisabeth, on ira prendre un verre et on croisera un groupe de jeunes (mon age quoi), déçus de ne pas avoir eu de billets. Hasard de plus, Elisabeth me parlera d’un livre à lire, Vernon Subutex de V.Despentes héhé, ça tombe bien, je commence le 2e tome justement.

En repartant vers le métro, je marchais derrière Warren Ellis. Je me suis contentée de le dépasser et de lui dire « thanks for the show », il m’a remerciée en français d’un « merci beaucoup, vous étiez fabuleux » (pas besoin de me vouvoyer hein Warren !) et puis en arrivant chez mes amis qui m’hébergent depuis mercredi, il y avait PJ Harvey en concert sur Arte, décidément.

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Rob Mcvey, Warren Ellis, Rob Ellis, Marianne Faithfull, Ed Harcourt, Le Bataclan, 25/11/16

Ce fut un moment merveilleux même si je suis attristée de la voir souffrir à ce point mais la voix rauque, si caractéristique est toujours là, et son second degrés aussi. Finalement on a beau être dans le carré VIP, ça ne change rien (à part le compte en banque bien sur car la place est à 0€), tout le monde vient pour la même chose, l’artiste.

Merci à Marianne Faithfull pour ce sobre et bel hommage, merci à tout le monde d’être venu dans cette salle, désormais tristement connue (pas mal d’étrangers hier d’ailleurs, anglais et italiens) et j’espère encore une fois, vous revoir sur scène Marianne, je ne m’en lasse pas.


==> Galerie Photos <==

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Marianne Faithfull, Le Bataclan, 25/11/16

2 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Sacriledge dit :

    On sent vraiment l’émotion dans ton texte, que ce soit vis-à-vis du lieu, de Marianne (même de ta célébrité si si =P), ça devait être formidable !
    En vrai je n’aimerais pas avoir le dos musclé à ce point =O

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  2. Elisabeth dit :

    Quel beau texte Melissa ! tu sais si bien rendre compte des grands moments et aussi des toutes les petites choses bouleversantes de ce magnifique concert.
    Je ne suis pas prête d’oublier Marianne au Bataclan… ni la rencontre avec la célèbre Mélissa !!!
    Bonne lecture de la grande Virginie Despentes… en fait tu ne savais pas, mais les psychologues voient dans les sacs des gens, spécialement dans les sacs-radio :-)))

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