Le minimalisme survolté, le spleen sublimé
Que dire..Il y a des concerts qui vous rendent vivant, qui passent par les tripes et vous emmènent dans des sphères planantes. Avec le concert d’hier soir, ce fût le cas, et merci.
J’ai découvert le trio britannique composé de Romy Madley Croft, Oliver Sim, Jamie Smith, comme la plupart des personnes de ma génération, avec leur premier album sobrement intitulé XX. J’avais un peu décroché avec le second, Coexist, même s’il contenait l’excellent Fiction. Leur retour au bout de 5 ans, avec leur 3e album I See You était donc très attendu, et il a été à la hauteur.
Habitué des petites salles parisiennes, comme le studio 104 de France Inter ou encore le Point Éphémère à leur début en 2009, le groupe peut être fier de son parcours en remplissant 2 soirs de suite le Zénith de Paris. C’est en effet à guichet fermé que The XX a entamé hier sa mini tournée française, et pour leur plus grand plaisir.
Je ne m’attarderai pas sur la 1ere partie Kelela, de Washington D.C comme elle le dira elle-même. Je n’ai absolument pas accroché. Seulement accompagnée d’un « DJ » et sortie tout droit des années 90’s vestimentairement parlant (vous voyez Corona ?), elle ne m’a pas emballée. Et ses vocalises à la Mariah Carey, sur de simples bits (plus simpliste, bah…c’est le silence)… Je passe mon tour pour cette fois (on ne peut pas avoir du Austra à chaque fois, merci Gossip !).
Il ne va pas tarder à être 21h, j’ai encore un peu le temps d’observer la salle. Pour une fois, je ne me sens pas en décalage, 90% du public a une tranche d’âge variant de 20 à 30 ans. Youhou, je suis presque à la limite quoi… Cependant, beaucoup d’étrangers, à ma gauche un couple d’anglais, devant moi, un couple d’espagnols et idem pendant l’attente devant le Zénith. Impossible de savoir si Paris draine vraiment des étrangers pour la St Valentin, ou si c’est The XX (si vous voulez on pourra en débattre plus tard).

21h, et pas une minute de plus, c’est l’heure ! Le meilleur moment comme d’habitude, lorsque la bande son d’ambiance se coupe et que les lumières de la salle s’éteignent.
La scène se découvre, et quelle beauté ! Elle reprend en tout logique, le thème de la pochette d’I See You (un miroir flouté). Le sol est recouvert d’un tapis « miroir » contenant des dizaines de LED lumineuses. Ce dernier est encerclé de 8 hauts panneaux rotatifs, eux même tous habillés d’un film « miroir flouté », et surplombés d’un carré géant, lui aussi réfléchissant, qui s’articulera selon les titres joués. Romi et Oliver se trouvent au premier niveau de la scène, et Jamie est sur une estrade, délimitée par des panneaux transparents mais lumineux sur les bords (sans parler du matos qui l’entoure…caisse claire, synthés, batteries électriques, pad…). Inutile de vous dire que l’ensemble est rayonnant, et que, comme si cela ne suffisait pas, ils ont rajouté des gyrophares. Cette scène semble grandiose, et pourtant, au final, elle reste simple. C’est dingue comme The XX a le don de toujours sublimer le moindre petit détail pour qu’au final, on obtienne une pépite. Toutefois, petit point négatif que je peux faire, c’est l’éclairage. Ce dernier était beaucoup trop puissant lorsqu’il passait à travers les panneaux rotatifs. Pour vous illustrer mes petits propos, imaginez que votre ophtalmo est en train de vous faire un fond d’œil (mais si ! Le truc où on vous met des gouttes pour bien vous dilater la pupille, et après, paf, on vous balance un faisceau lumineux en vous demandant de garder l’œil ouvert…Si vous ne voyez pas, sans jeu de mot, de quoi je parle, alors allez consulter un ophtalmo). J’ai regretté de ne pas avoir pris ma paire de solaires, qu’on se le dise ><

Bref, il est 21h, le groupe arrive dans de beaux applaudissements et entonne Say Something Loving. Je n’aurai pas forcément choisi ce titre en ouverture, mais je ne suis pas XX…les 2 titres suivants m’ont scotchée ! Ils ont joué Crystalised et Islands !!! 2 tubes du premier album que j’attendais clairement dans le rappel. Purée, c’est très intelligent finalement, car le public est parti en vrille dès le début, sans relâcher l’engouement.
Des gradins sont vides, leurs occupants ont préféré se lever, monter en haut et danser. J’avoue que j’l’aurais bien tenté si je n’avais pas tout mon bordel à mes pieds. Le groupe quant à lui excelle. Les voix sont d’une justesse, exactement les mêmes que sur les albums, pas de retouche en studio, prenez-en de la graine. Oliver se déhanche avec sa basse de façon hypnotique. Je n’arrive pas à le décrocher du regard, avec sa petite chemise fleurie et son petit cuir moulant. Quelle classe ! Romi, elle, en retrait, timide, mais combattante. Elle ne se laisse plus impressionner même si elle avouera, avant le titre Performance « je vais chanter seule, sans Jamie, j’ai un peu peur mais allons-y ». Ses petits riffs sont impeccables, le son XX est une vraie drogue, pas de démonstrations de guitar hero ici, juste des notes, bien assemblées, sur le bon tempo, rien d’autre (et je ne vous parlerai pas de son carré, à une époque je le portais bien, mais aujourd’hui, moi et mes cheveux on ne se comprend plus, mais idem, cela fera partie d’un autre débat). Quant à Jamie, il navigue sur ses petits jouets là-haut, il tient la baraque, le gros son : tantôt tambour, tantôt caisse claire, tantôt séquenceur.
Et le son ? La boule caractéristique des concerts ne me quittera pas. De la tête aux jambes. Du grand luxe ! Cependant, merci les bouchons d’oreilles, car sur les basses, c’était parfois limite, bien trop poussées.
Le groupe, qui jouera 1h25, est en forme et heureux d’être là. Ils nous interpellent souvent avec des « merci beaucoup » (ou beaucul) « vous êtes incroyables » « merci Paris, ça fait si longtemps, on est fier d’être là ce soir » et autres petites blagues sur le fait de jouer à la St Valentin (sachant que la compagne de Romi, Hannah Marshall qui l’a demandée en mariage le mois dernier, est présente dans la salle. Romi un peu troublée lui dédiera le dernier titre du set, Angels)

Au niveau de la setlist, on n’est pas en reste, avec 19 titres dont mes préférés (oouf, pour une fois il ne m’en manque pas…bon ok, ils n’ont que 3 albums). Les versions restent cependant fidèles aux versions studio sauf 2 titres : le premier c’est Lips, qui, sur l’album, reprend un sample connu de David Lang et qui a été squeezé en majeure partie hier soir. Le second concerne Fiction (un de mes titres favoris), qui a eu droit à un rafraichissement avec une version allongée, jouissif ! L’ensemble est équilibré, alternant douceur, froideur, vitesse et tubes. On peut se rendre compte que le groupe ne se trahit pas, au fil du temps et de leurs 3 albums, rien n’est vraiment à jeter, et sur scène, le tout prend une tout autre dimension. Ils nous achèveront lors du rappel en interprétant Intro, une composition sans paroles devenue culte pour beaucoup d’entre nous.
Pour résumer, mélangez moi une scène lumineuse tout en miroir avec des spots partout, un sol éclairé par des LED de différentes couleurs, un son fort et propre, des voix parfaites qui s’allient aussi bien en studio que sur scène, des prestances scéniques sobres mais bien présentes, et vous obtenez un concert magistral. Très heureuse d’avoir pris ma place et surtout très heureuse d’en ressortir avec des étoiles dans les yeux. Je ne peux que constater qu’il y a des groupes, aujourd’hui, qui peuvent encore faire la différence. The XX a un son bien particulier (peut-être emprunt aux Cure), mais a surtout le don de transcender avec rien. Quoique, on croit que ce n’est rien, mais vu le résultat, ce sont des perfectionnistes. Comment qualifier ce trio hormis d’être les rois d’un spleen minimaliste, flirtant sur des sonorités électro, cosmiques, aériennes, planantes, tout en balançant une énergie folle mais retenue. Tout est mesuré chez eux, ça ne partira pas dans tous les sens, chaque mesure, demi-tempo, coupure de rythme, chant décalé.. tout a un sens et c’est assez déconcertant et en même temps, si singulier.

Si vous n’étiez pas au Zénith hier soir, et que vous n’y serai pas ce soir, et que vous n’allez pas non plus à Nantes, Lyon, UK, USA, Japon en fin bref, si vous les avez manqués en 2017, il vous restera éventuellement une dernière chance, en 2018…un AccorHotels Arena serait en négociation.
Setlist :
Say Something Loving
Crystalised
Islands
I Dare You
Lips
Basic Space
Performance
Too Good (Drake cover)
A Violent Noise
Brave for You
Infinity
VCR
Dangerous
Fiction
Shelter
Loud Places(Jamie xx cover)
On Hold
Intro
Angels
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