Pulp, petite pulpe d’optimisme made in Sheffield
Arte nous comble cet été avec son programme Fish N’ Chips, du 14 juillet au 20 août, présenté par Johnny Rotten. Tous les vendredi-samedi-dimanche, la chaîne se met aux couleurs de l’union jack pour nous immerger dans ce que la britpop a de plus beau, diffusant des concerts, documentaires, films etc. C’est donc dans ce cadre que j’ai pu voir Pulp: A Film About Life, Death and Supermarkets (sorti en 2015), et quelle bouffée d’air frais !

Je suis totalement passée à côté du phénomène « Pulp », reconnu avant tout dans son pays natal. Il faut dire que dans le milieu des années 90, le moment où ils ont percé, la France était plutôt du genre Spice Girls et World Appart, tandis que moi, j’écoutais les vieux trucs que pOpa m’enregistrait sur cassette audio (oui oui, j’ai connu la cassette audio à mettre dans le walkman, et j’ai aussi connu la patience de laisser dérouler la bande jusqu’au titre que je voulais entendre….la technologie, ça a du bon).
Les Pulp ont sorti leur premier album en 1983 puis 1987 mais la notoriété a explosé lorsque le groupe s’est mis à la Pop, avec les 2 albums Different Class et His N’ Hers. Cependant, Pulp et le succès, ce n’est pas vraiment compatible et le groupe s’est vite barré de la Pop pour revenir à des sonorités plus underground, avec notamment l’album Hardcore, absolument pas grand public et à la pochette explicite.
Pulp, c’est avant tout l’histoire d’un groupe dédié à sa ville natale, Sheffield, dans le nord de l’Angleterre. Une ode aux « petites gens » qui n’ont eu de cesse de les soutenir, et inversement. Jarvis Cocker, le leader charismatique et excellentissime parolier, a souvent fait référence à la ville dans ses textes, comme par exemple avec Sheffield Sex City.
Pulp s’est séparé en 2002 (tensions +++) mais Jarvis a souhaité réunir le groupe en 2012 pour une ultime tournée, afin de terminer en beauté avec un réel clap de fin, qui plus est, à Sheffield. L’aventure pulpeuse a démarré la-bas de façon pathétique (des effets de scène pourris, un groupe timide, un public décontenancé…) et Jarvis voulait la terminer à Sheffield de façon grandiose.
C’est donc à cette occasion que le film a été tourné. Nous sommes le 8 décembre 2012 à Sheffield, et Pulp va tirer sa révérence le soir même, chez lui. La pression monte pour les musiciens, et la ville est extatique.
Ne vous attendez pas à voir dans ce film, un concert de Pulp, l’angle d’attaque du réalisateur est bien plus subtil et n’aurait pas autant attiré mon attention s’il en avait été autrement. Pulp: A Film About Life, Death and Supermarkets immortalise sur les dernières 24 heures, les habitants de la ville, les fans, et la préparation du groupe. La caméra déambule sous le marché couvert de Sheffield, dans le gymnase, à la piscine, dans les rues… et interroge ces « working class » du nord de l’Angleterre, vis à vis de Pulp. Tout le monde y passe, que ce soit les fans inconditionnels de 7 à 77 ans (des plus drôles aux plus perchés) aux simples habitants (teenagers, grands mères de 80 ans édentées, poissonnier…) . Tous ont une anecdote, un moment de vie ou des conneries à raconter, en lien ou non avec Pulp. En parallèle, le réalisateur Florian Habicht filme le groupe qui se remémore les pires et meilleurs moments de sa carrière et on sent la pression monter au fur et à mesure que l’heure fatidique du concert approche.
Bien évidemment, vous verrez des extraits du concert en préparation tout au long des 1h30 du reportage, pas de panique !
Avec ce film, j’ai certes, découvert un groupe, mais surtout un chanteur : Jarvis Cocker. Quel mec ! Barré sur scène (une énergie incroyable, une stature, une façon de bouger), d’une grande intelligence et humble (le film se termine sur Jarvis en train de changer une roue de sa voiture pourrie en plein milieu d’un parking…). Pulp sur scène, c’est secoué, que ce soit avec ses jets de PQ dans la foule, les déambulations provocantes de Jarvis et les jeux de lumières.
J’ai été scotchée de la maturité des gamins interrogés sur la vie, le passé, le futur, ou encore des leçons d’optimisme des personnes âgées de la ville. Il y aura également des témoignages poignants, comme celui d’un jeune homme maquillé portant un manteau de panthère, sur le regard des autres. On apprendra également dans le reportage que Candida, la claviériste, est atteinte d’arthrite depuis l’adolescence, et que de rejouer après tout ce temps a été un beau défi à relever.
On sent la pauvreté à tous les coins de rue, mais la population reste heureuse, en phase avec son temps, lucide sur tout ce qui les entoure et rien que pour ça, le film vaut le détour. J’ai vraiment été happée par l’ambiance du film, j’avais l’impression de puer le poisson et qu’il faisait -10° dans mon appart’ (alors je veux bien qu’il soit dans la grosse pierre juste au dessus d’une cave avec des rues pavés datant du moyen-âge… mais tout de même).
Vous pouvez retrouver le film sur le site d’Arte ou pendant 7 jours ici :