Jessica93 – 02/03/18, Joué-Les-Tours, Le Temps Machine

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La disparité à l’état brute, n’en déplaise

La soirée s’annonçait Rock n’Noise et elle le fût. Bien que les noms soient 100% féminins, c’était une soirée chargée de barbe, de sueur et de clopes roulées.

Ce vendredi, j’étais tiraillée entre aller à Poitiers pour Carpenter Brut, ou à Tours pour Jessica93. Mon cœur a penché du côté cocooning maison… Le concert était loin d’afficher complet et les groupes n’ont, à cette occasion, pas eu l’honneur de jouer dans la grande salle.


J’avais hâte d’entendre Jessica93 sur scène, après les avoir découverts via leur album Rise avec l’excellent titre Asylum, à écouter en boucle. Je dis « les » mais Jessica93 est avant tout un projet solo mené par Geoffroy Laporte, un OVNI made in la Seine St Denis, pré-destiné à écouter du rap dans sa banlieue de Gagny, accoudé au Kebab du coin, qu’à faire du rock underground.


La première partie, assurée par Steffy Graff, un duo tourangeaux, ce qui leur confère déjà un bon point, a commencé son set aux alentours de 20h. Je me suis éclatée et la salle également, bien que de nombreux copains étaient là pour les soutenir ! Ce duo basse-(guitare?)/batterie, avec peu de vocalises et pas mal de pédales « loop », a mis une bien belle ambiance. Pakhal et Rhino, originaires de Reugny près de Vernou comme ils sauront l’expliquer avant d’entamer le titre hommage à leur ville, sont aussi précis que touristes. La nonchalance du chanteur déconcertante, remet au goût du jour la passion avant le star-système et excuse toutes les petites imperfections de leur passage.

Excellant dans un Punk Noise se revendiquant Raquette N’Roll (bah oui, tu connais pas le rock sportif qui laisse présager avant tout un bon apéro entre potes après le match ?), ils sont carrés et sans demie-mesure. Ils ne joueront que 35 minutes avec une pléthore de beaux riffs simples et rythmiques, accompagnés d’une batterie fougueuse. Inutile donc de se fouler sur le chant lorsque musicalement, on assure. Jean’s, Converses, T shirt, l’important c’est le rendu auditif, et ce dernier fera trembler à plusieurs reprises le paquet de tabac du chanteur, déposé sur un bout d’ampli, comme on déposerait ça au comptoir d’un bar.

Avec Steffy Graff, vous êtes assurés d’un bon exutoire survolté enrobé d’une nappe de musicalité sans chichi. Et en bonus, les mecs, tellement pépouzes, ont pris le temps de graver des CD (old-school, qui a encore un graveur de CD ?) pour les deposer dans le hall, en self-service, dans une pochette Do It Yourself. Rien de mieux pour prolonger le plaisir dans votre voiture avant d’aller au tennis…ou à l’apéro…


21h approche, le temps de prendre un verre et de se placer au 1er rang sans trop de difficulté. Je n’ai pas regretté les coups de coudes et les pieds écrasés habituels dans ce genre de parcours du combattant, le tout avec la totalité de ma bière à l’arrivée…exploit ! Jessica93 arrive enfin, ils sont 3 entourant Geoffroy, le créateur multi-instrumentalistes et tête pensante de ce projet musical, né il y a à peine 10 ans. Distribué au départ par le label Et mon cul c’est du tofu ?, Jessica93 a fait une percée sur le devant de la scène avec l’album Rise (2014) jusqu’à être programmé au festival Rock en Seine et signer quelques dates à l’étranger. Avec Guilty Species sorti cette année, la composition a été conçue pour la scène bien que Geoffroy ait une fois de plus enregistré la totalité des instruments (de façon analogique). Avec ce 4e album bien plus élaboré mais toujours aussi nerveux, Jessica93 prouve son ancrage dans le paysage et qu’il faudra désormais faire avec.

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Jessica93 – Le Temps Machine (37) – 2 mars 2018

Geoffroy n’est pas une arnaque, à l’inverse de tous ces groupes qui revendiquent un style de merde car plus c’est kitsh et has-been, plus c’est classe. Non lui ce n’est pas calculé. Si vous le voyez avec un pull rayé 90’s et un jogging pas moins récent, c’est qu’il devait porter la même chose la veille et qu’il s’y sent à l’aise. La preuve en est, le pull qu’il portait pendant l’accordage de ses guitares était le même que celui porté lors d’une ITW (excellente, je vous la conseille) des jours auparavant par GreenRoom.

Pas de branlette de cerveau, pas de vernis à gratter, Jessica93 c’est du brut, du vrai, du bon underground légèrement poisseux mais sérieux. Bien que la démarche scénique soit désabusée, le concert sera bien électrique, voire trop peut-être…J’avoue ne pas avoir complètement pu profiter du set à cause d’un son trop brouillon. Difficile de discerner les titres les uns des autres, la multitude de cordes grattées inlassablement lié à l’énergie du groupe a fini par créer un ensemble moyennement cohérent.

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Jessica93 – Le Temps Machine (37) – 2 mars 2018

Le batteur David Snug donne tout, il est marrant à regarder : debout derrière 2 fûts et une platine, il se dandine dans le rythme et donne à Jessica93 un petit aspect visuel plaisant et aux antipodes de ce qu’en dégage leur musique. Bien que sa cymbale ait l’air d’avoir vécu la guerre des catacombes, et ses lunettes de l’emmerder, il ne perd pas une miette de ce qu’il doit balancer comme tempo. La rythmique de Jessica93 est la pierre angulaire entre le monde « underground punky » et celui du « rock grande écoute ». La « batterie » est juste parfaite, elle roule, tambourine et donne un aspect lissé à l’ensemble.

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Jessica93 – Le Temps Machine (37) – 2 mars 2018

Henri Adam, le bassiste, est dans l’atmosphère, suant à grosses gouttes avant d’enlever son blouson de cuir. Tellement concentré qu’il manquera de peu, à plusieurs reprises, de mettre un coup de basse aux personnes du premier rang…Oui, on n’est pas à Bercy ici, la proximité scène-public est intense jusqu’à partager son verre avec les guests de la soirée.

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Jessica93 – Le Temps Machine (37) – 2 mars 2018

Quant au second guitariste Eric Bricka , il  restera plus ou moins dans son coin, tout comme Geoffroy qui lèvera rarement la tête, plongé dans son abysse derrière une longue tignasse transpirante. Les titres s’enchaînent avec quelques mots de Geoffroy entre chaque apportant un peu d’humain à cette machine de bruit.

La salle est plutôt calme à mon grand étonnement. Il y a un peu de tout si on doit se la jouer sociologue du dimanche : des femmes, des hommes, des jeunes, des moins jeunes, des styles rétro-punks, des styles plus soignés, mais la cohésion qui rend une salle unanime et chantant à l’unisson n’y est pas vraiment. Je n’ai rien à reprocher au groupe, il était présent, se défendait parfaitement et avait de bons échanges avec la salle, mais j’ai eu du mal à m’y retrouver.

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Jessica93 – Le Temps Machine (37) – 2 mars 2018

Les 13 titres nous emmèneront jusqu’à 23h, impossible de poursuivre pour un rappel, le groupe a décidé de tout exploser sur scène. Surfait ? Bande enragée ? Intoxiqués par leur musique pleine de névrose ? Ils vivent leur instant, peu importe du moment que je ne me prends pas un pied de micro dans le nez.

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Jessica93 – Le Temps Machine (37) – 2 mars 2018

Je suis sortie de la salle un peu déçue, peut-être parce que je m’attendais à me prendre un vrai coup de grisou venu des bas-fond de la scène indé et que je n’ai pas su apprécier à sa juste valeur leur prestation scénique. Peut-être que je suis habituée aux concerts prout-prout bien calibrés sans brouhaha ? Même avec ces imperfections, j’ai tout de même passé une bonne soirée. La digestion se fera en me replongeant dans Rise et Guilty Species car ce sont de bien belles créations. Finalement, une telle disparité, lorsqu’elle est honnête et brut de caractère, ne gâche pas tant que ça la fête, et parce que non Jess’, ton cul, ce n’est pas du Tofu !


Setlist :

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