Dave Gahan – 10/12/21, Paris, Salle Pleyel

La pureté d’une voix sombre et envoutée dans une intimité suspendue

Dave Gahan et Soulsavers ont remis le couvert pour un 3e album en novembre, nommé Imposter. La qualité de leur collaboration n’est plus à démontrer après les excellents The Light the Dead See et Angels & Ghosts. Cependant pour Imposter, le duo Gahan/Machin s’est entendu pour un album de reprises… et je déteste les albums de reprises. Dave Gahan a choisi cet album pour rendre hommage aux chansons qui l’ont guidées tout au long de sa vie pour les réinterpréter. Bon pourquoi pas…mais bordel on sait qu’ils en ont sous le pied niveau compositions. Cependant avec du recul, où on arrive à laisser la frustration du fan égocentré, on peut comprendre qu’avec la crise actuelle, c’était surement le bon moment pour se faire plaisir et sortir cet album. 

Alors oui, qui dit nouvel album, dit souvent tournée. Mais de là à annoncer une date parisienne à peine 3 semaines avant, j’étais vraiment pas prête, mais il a fallu se préparer. On se rappelle notamment de cette date en 2015 à la Cigale, qui a gravé nos mémoires (retrouvez ici mon live report) mais également celle de Dave Gahan qui explique à Rolling Stone, pour qui il fait la couverture en novembre : « Sur la tournée Angels & Ghosts, nous sommes venus jouer à Paris dans une petite salle, La Cigale. C’est la performance que j’ai préférée de tous les temps, la meilleure que j’ai faite sur scène avec qui que ce soit“. Alors à coup sûr, il ne fallait pas louper son retour, même si le dernier album m’a moins enjoué que les deux précédents.

Billets en poche, je ne réalise toujours pas. On est donc vendredi, c’est le départ, 17h.

Arrivés salle Pleyel vers 19h sans avoir pris le temps de déposer nos affaires, nous voilà à la fouille, et dans le fond du hall, la trombine de Davinou. Putain ce n’est pas un rêve ! En passant au bar pour aller chercher un thé glacé au gingembre (et pas une bière, vous noterez, non pas ma maturité, mais simplement une prise d’antibio corsée qui aurait pu me coûter ce moment), j’entends un “et mais c’est Mélou”. Donc non ce n’est pas un rêve, la communauté DM est présente ! J’ai hésité à venir avec mon pull Depeche Mode car on vient voir Dave Gahan, qui a su éclore de son côté mais après tout, merde, je le porte assez souvent pour le laisser à la maison un soir comme celui-ci. Après avoir croisé des amis devotee, toujours cette impression, celle du temps qui s’est arrêté lors de notre dernier au revoir, à la tournée précédente. Cette famille dévouée, gentille et bienveillante. Cette famille qui est heureuse de se retrouver aux concerts pour refaire le monde, ou juste pour se donner les infos cruciales entre ceux du premier rang et du dernier “je te dis qu’il ne porte pas de slip sous son pantalon”. 

Il est 20h, on se place. On a pris la catégorie 3, mais on est bien placés. Ma dernière soirée à Pleyel c’était pour Robert Plant et je me souviens d’une salle au son irréprochable. On a hâte (enfin moi surtout). À ma gauche, M. Jonathan Kessler qui papote avec le technicien lumière, ce n’est donc pas une blague, Dave Gahan est bien là. Devant moi un russe qui n’a pas dû prendre de thé au Gingembre et un couple espagnol hélas séparé mais c’est sans compter sans la gentillesse des devotees pour qu’un échange de place s’effectue et que le couple puisse se retrouver. 

La scène est cachée à l’aide d’un grand rideau brodée d’un double visage peint au trait, tout comme la couverture du beau programme “A story of Songs” qui nous a été remis à l’entrée, gratuitement, par des hôtesses. Le programme nous offre un petit mot de Davinou écrit de sa main et présente chaque chanson de l’album Imposter avec le pourquoi du comment il a voulu reprendre tel ou tel titre. Dave Gahan souhaite vraiment nous offrir un moment d’intimité et nous donner toutes les clés pour que l’on déchiffre ses choix. Ces titres ne sont pas anodins pour lui et il lui semble important, avec cet album, de vouloir partager cela sans ambiguïté avec son public.

20h34, la salle est mise dans le noir et le rideau tombe, mon cœur avec. Un élan d’émotion m’envahit et qui m’avait tellement manqué ! Dave Gahan arrive enfin, vêtu de son habituel costume 3 pièces légèrement brillant, Pleyel l’acclame. Tantôt paire de lunettes sur le nez, tantôt sans, l’homme vieillit, il ne s’en cache pas. Ils sont 10 sur scène, scène surplombée d’un énorme rideau rouge et de 5 grands lampadaires style indus noir et doré, avec une estrade légèrement surélevée pour les 3 choristes, le batteur et claviériste. Dave Gahan trône au centre, entouré de 3 guitaristes dont Rich Machin et d’un bassiste. C’est parti pour 1h30 d’une qualité extraordinaire avec une première heure dédiée au dernier album de reprises, puis une seconde partie tout en contraste avec notamment 2 titres de Depeche Mode. 

La voix de Dave Gahan tapisse Pleyel, et à entendre les gens qui m’entourent, nous sommes tous ici subjugués par sa voix. Dire qu’on la découvre serait une hérésie, mais l’entendre sur des titres presque à capella nous rappelle à quel point ce timbre baryton est absolument parfait. Voix puissante, grave, délicate, il en fait ce qu’il veut, il dose comme il faut, il envoie quand il faut, il est en harmonie complète avec et il se fait plaisir. 

Dans la salle, entre chaque titre, des hurlements de fans, parfois justifiés, parfois déplacés. Il en fait abstraction mais nous remercie. Il laissera le temps également à la foule de souhaiter un joyeux anniversaire à son choriste, Travis TJ Cole et prendra le temps de saluer les musiciens qui l’accompagnent. Car oui, ici c’est Dave Gahan accompagné de Soulsavers et non pas l’inverse comme ça a pu être le cas précédemment.

Les interprétations sont splendides. On oscille dans divers univers à la fois blues, jazz, rock, gospel, avec parfois uniquement un trio contrebasse/piano/voix, avant d’enchaîner sur un ensemble 3 guitares à faire pleurer les cordes. C’est puissant et délicat, et surtout, jamais trop. On sent bien que ça le démange de courir partout et d’invectiver le public, mais il se retient, hormis quelques coups de rein balancés, histoire de montrer qu’il est toujours en forme, mais l’homme de stade n’est jamais bien loin, ça le démange. 

Il n’a attendu qu’un titre pour faire tomber la veste mais jamais la chemise, le moment ne s’y prête pas. Ici on a à faire à Dave Gahan et non pas au chanteur de Depeche Mode, qui nous offre son intimité avec 12 covers, en passant de PJ Harvey à Bob Dylan, d’Elvis Presley à Cat Power en passant par Nat King Cole, Mark Lanegan (qui a aussi réalisé 2 albums avec Soulsavers) ou encore Neil Young. Sa version de Metal Heart a littéralement fait basculer Pleyel dans un final explosif, pour ensuite nous faire pleurer sur Always On My Mind. Cette première heure n’a cessé de jouer avec nos émotions, c’était d’une pureté rarement définissable. 

Après un rappel, le rideau rouge de l’Imposter laisse place à un fond blanc pour nous emporter dans un second set aux antipodes. Il fait monter la sauce avec le titre Revival de Soulsavers, puis enchaîne avec un certain Personal Jesus. La salle entière est debout, hurle et Dave Gahan ne cache pas son bonheur. Le frontman de Depeche Mode est devant nous et revêt sa peau d’animal enragé pour reprendre avec nous le refrain à tue-tête. Son corps le quitte et le guide, on y retrouve les déhanchés, les grimaces mais par chance, pas trop d’ailes de poulet. Et comme si la tension n’était pas à son paroxysme, il continue avec John The Revelator, dans une version absolument dingue ! Rapide, certes, au niveau du tempo, mais dingue ! Les premiers rangs se sont amassés devant la scène, un joyeux bordel. On en a même oublié le relou d’ailleurs du premier rang qui s’est fait dégagé par la sécu un peu trop tard d’ailleurs et qui s’est fait remettre à sa place plusieurs fois par Dave Gahan “sit down please, sit down” avant de se manger une tarte donné par son voisin lors du premier set (un surplus de thé gingembre certainement dans les veines). 

Pour faire redescendre la pression et terminer cette soirée suspendue, hors du temps, le groupe terminera par deux tubes de ses deux précédents albums avec Dave Gahan, à savoir le super Shine et Take Me Back Home

Dernier salut révérencieux à la salle, un “thank you see you next time” que l’on connaît que trop bien et une foule reconnaissante. Merci ! 

Il aurait pu faire l’impasse sur les chansons de Depeche Mode au vu de la qualité de la prestation, des reprises et des compositions avec Soulsavers. On ne va pas se mentir, on a tous attendu ce moment et kiffé d’en avoir deux bien évidemment, la chair de poule et les larmes, mais Dave Gahan en solo a réussi le pari là où beaucoup échouent, celui de se faire une place hors de son groupe respectif et sans le renier.

Il n’a plus rien à prouver, depuis Paper Monsters, les tournées solo ou avec Soulsavers il connaît, et nous emmène avec lui facilement, mais il sait qui sont les gens en majorité dans la salle, et c’est surement sa façon de nous remercier, nous qui sommes là depuis 40 ans. 

À bientôt 60 ans, la stature scénique et vocale de Dave Gahan ne cesse à chaque représentation de clore tout débat : il est le plus grand frontman en activité : charismatique, à la voix inégalable. Il sait sortir de sa zone de confort pour se faire plaisir et nous régaler lors de moments intimistes, ça ne fait clairement pas de lui, un imposteur. Ce concert était un pur moment, un son d’une perfection incroyable, des orchestrations travaillées, aussi poignantes qu’enjouées, sans retenue aucune pour notre plus grand plaisir.

La bête sommeille toujours en lui, bien qu’il vieillisse et arbore des lunettes à monture épaisse, quand la cage sera ouverte, nous serons au rendez-vous pour hurler notre bonheur de le, de les retrouver, sans les nommer.


Setlist :

  • The Dark End of the Street (Dan Penn cover)
  • Strange Religion (Mark Lanegan cover)
  • Lilac Wine (Eartha Kitt cover)
  • I Held My Baby Last Night (Elmore James cover)
  • A Man Needs a Maid (Neil Young cover)
  • Metal Heart (Cat Power cover)
  • Shut Me Down (Rowland S. Howard cover)
  • Where My Love Lies Asleep (Gene Clark cover)
  • Smile (Nat King Cole cover)
  • The Desperate Kingdom of Love (PJ Harvey cover)
  • Not Dark Yet (Bob Dylan cover)
  • Always on My Mind (Gwen McCrae cover)
  • Revival
  • Personal Jesus
  • John the Revelator
  • Shine
  • Take Me Back Home

Pour celles et ceux qui n’ont pu avoir la chance d’y être, le concert de Paris a été filmé, à suivre donc. Et sinon le 13 décembre, streaming gratuit en direct de Berlin, retransmis sur le lien suivant à 20h

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