Depeche Mode céleste pour une inauguration au diapason des grands événements
11300 billets partis en quelques minutes, encore une poignée de privilégiés pour cette soirée unique, qui, pour moi, sonne le glas de la tournée Spirit 2017-2018 avec 8 dates au compteur.
Qui dit inauguration de salle, dit souvent « bordel », à l’image du concert des Rolling Stones de l’U Arena fin 2017. Heureusement, Bordeaux a mis les petits plats dans les grands et a offert un déroulé sans encombre, à savoir des navettes en nombre et identifiées, une fluidité de la foule pour entrer dans la salle, un service de sécurité gentil, et un très beau hall d’accueil. Seul bémol, la queue interminable au niveau des bars. Cependant, je ne comprends pas qu’une salle neuve ne prévoit pas de parking (il y en a un…700 places). Bref, partie à 19h de Stalingrad,me voilà dans la salle à 19h45, pendant qu’EMA, la première partie, débute son set.
L’Arena a de l’intérieur, la forme d’un amphithéâtre, parfaitement réparti pour ne pas engranger trop de hauteur de gradins. Les murs et le plafond sont travaillés pour l’acoustique avec des formes coniques en relief. Les sièges quant à eux sont taillés dans un bois noir, laissant une sacrée place pour les jambes, eureka !
Pour info : garez-vous place Stalingrad, et prenez les navettes-bus (3€ A/R), en à peine 10 min vous serez déposé au pied de l’Arena. Après le concert, il y a une navette toutes les 2 minutes, pas plus de 15 min d’attente !
20h30, la salle est pleine à craquer. On savait l’événement sold-out en jauge haute, mais le public a tenu promesse et a su honorer son précieux sésame ! La moyenne d’âge oscille entre 20 et 60 ans, avec une majorité de 45-55. T shirts à l’effigie du groupe mais pas que, il y a du Dropkick Murphys, Iron Maiden et même un Aerosmith. La pression monte d’un cran lorsque le film promo de Charity Water, organisme auprès duquel le groupe et Hublot sont partenaires, est projeté avec Where’s The Revolution
20h45, la musique de fond laisse place aux Beatles avec leur Revolution, puis la salle sombre dans les nappes musicales modiennes annonçant l’arrivée imminente du trio-quintet. L’écran géant s’illumine, des petites bottes de révolutionnaires frappent le sol et se rapprochent de plus en plus de la foule qui patiente tant bien que mal. Les bottes laissent place aux nappes de peintures multicolores et les notes de Going Backwards, l’ouverture de Spirit, retentissent. Le groupe arrive sur la scène principale, tandis que Dave Gahan, le maître absolu de cette soirée, se pavane sur la scène secondaire, surélevée comme au temps du Devotional, dans des mouvements de bras aériens. Le public exulte.
Les deux titres suivants, It’s No Good et Barrel Of A Gun, moins connus du public lambda n’haranguent pas la foule mais elle reste scotchée face au son démentiel dégagé par la batterie et les basses. Le son est effectivement au firmament de tout ce que peut espérer un amoureux des salles de concerts, d’autant plus quand il s’agit de Depeche Mode. Ces derniers ont un tel niveau et une puissance, que seule une balance parfaite peut exprimer à sa juste valeur, et c’est le cas ce soir. La voix si grave de Dave Gahan est clairement dissociable de chaque instrument. Arrive le tube revisité A pain That I’m Used To avec Peter Gordeno à la basse. Une véritable claque. Martin Gore, sourire au lèvres, sent bien que l’ambiance vient de basculer dans une expectative conquise à la moindre note de clavier ou d’accords de guitares.
Le baryton Gahan règne en prêtre-maître, « like a animal » il sort de sa cage et assure le show. Chaussures dorées, gilet de costume 3 pièces noir pailleté, maquillage noir, tatouages luisants, il court, déambule tel un guerrier au regard ravageur. Il tourne sur lui-même, se remonte le paquet de l’entre-jambe, salue comme le phœnix à savoir jambes croisées et torse recroquevillé afin que ses mains touchent le sol, nargue les premiers rangs avec son pied de micro et ses positions suggestives avant d’assommer l’ensemble de l’assistance d’un coup de déhanché dont lui seul a le secret. Pendant ce temps, Fletch s’éclate impassiblement sur ses touches de claviers…
Un concert de Depeche Mode c’est bien évidemment des compositions de génie jouées par leur créateur Martin Gore, tantôt à la Gretsch étoilée, tantôt Gretsch classique, tantôt piano, mais également un chanteur des plus charismatique incarné par Dave Gahan, une pierre angulaire via Andrew Fletch, un accompagnement de basse ou claviers par Peter Gordeno, mais surtout, une batterie absolument dantesque, maniée par Christian Eigner. J’ai toujours l’impression que sur chaque tournée, par rapport à la précédente, le niveau de cette dernière monte d’un cran, que ce soit dans la puissance que dans la façon d’être ravagée dans tous les sens. Elle met en exergue tout le talent du groupe à travers un squelette rythmique parfaitement dosé et mesuré. Christian reste possédé par ses fûts sans se laisser dépasser.
Arrive le couac de la soirée, et il n’y en aura qu’un : Useless. Il a fallu la recommencer à 2 reprises (Martin pas prêt ? Ecran mal calé ?) mais c’est ce qui fait le charme des concerts, ce côté vivant avec ses aléas. Dave en plaisantera et le public oubliera vite. D’autant plus vite que Precious suit Useless. Incompréhension, pourquoi le public s’excite sur Precious ? Toute la salle se lèvera et y restera jusqu’au premier titre de Violator joué ce soir, à savoir World In My Eyes. Entre temps, le groupe interprétera Cover Me issu du dernier Album Spirit, sublimé par l’écran géant diffusant un film en noir et blanc d’un Dave Gahan se rêvant astronaute et contemplant la terre.
Le petit temps de repos est mérité pour Dave Gahan, qui offre la scène à Martin Gore le temps de deux titres, Insight et Home. La foule se rassoit, comme à la messe. Nous ne sommes pas dévo pour rien…Martin recevra une ovation et Dave Gahan nous remerciera en Français pour cela.
Après avoir repris nos esprits, la setlist se révélera époustouflante, même si des titres manquent à l’appel et que cette dernière n’offre pas de surprises depuis le début de la tournée. In Your Room, Enjoy The Silence, Stripped, Never Let Me Down, Walking In My Shoes, A Question Of Time, Personal Jesus… le public ne sait plus où il est tellement le rythme est effréné et le son à son paroxysme. Dave Gahan commence à faire la poule en battant des dessous de bras, il est chaud comme la température de ses gouttes de sueurs perlant sur l’ensemble de son corps.
Le Spirit Tour fait la part belle aux réorchestrations de folie, comme pour Everything Counts. Ce moment reste un des meilleurs de la soirée, avec une salle sautant dans tous les sens, se rappelant une jeunesse ce soir retrouvée. L’intro revisitée est finement travaillée et le claquement des talonnettes de Dave Gahan sur l’avancée de scène, divin :
Il en sera de même pour l’outro d’Enjoy The Silence avec sa batterie percutante, le tout habillé d’un écran géant sobre filmant…une basse-cour. Idem pour le final de Never Let Me Down scellé par « les champs de blé » marquant l’instant de communion ultime entre un groupe et une salle dévouée (bien que Dave s’amuse désormais à balancer des T shirts au bazooka à air comprimé).
L’autre grand moment a été marqué non pas par une réorchestration ou un jeu de scène exemplaire, mais par l’écran du fond de scène durant Walking In My Shoes. Bien que ce titre soit un chef d’œuvre et je ne cesserai de le dire, il fallait y ajouter ce petit quelque chose. C’est bien la première fois qu’on passe 90% du temps devant l’écran plutôt que sur les frasques Gahanienne. L’histoire d’un magnifique jeune homme androgyne aux mèches vertes et maquillage travaillé, perché sur talons hauts et costume blanc, ne peut laisser indifférent.
Avant le final tout aussi bluffant que le reste de la soirée, Martin Gore reviendra seul, le temps de Strangelove, en version acoustique, et quelle merveille.
Après 2h de show, c’est au tour du tube A Question Of Time du Black Celebration, album phare ayant inspiré bons nombres de groupes, d’exploser les décibels. 32 ans après, Dave Gahan tourne toujours aussi bien que dans le clip avec son micro et aucune seconde de ce tube n’a pris une ride. Survoltée, la foule en redemande et sera comblée avec Personal Jesus, un final classieux, fer de lance des hits du groupe !
23h15, le groupe prendra le temps de saluer, Dave viendra sur l’avancée de scène pour prolonger le moment, avant de retirer son gilet laissant apparaître son célèbre serpent dans le dos et de disparaître dans les méandres de l’Arena.
Les points négatifs restent le manque d’enchaînements rapides entre les titres, l’absence d’écrans géants latéraux diffusant en direct, un public en montagne russe, capable de la pire des hystéries comme de la plus statique des réactions, les gens qui parlent fort sans arrêt à commenter chaque fait et gestes, le peu de titres du dernier album et l’absence totale du Delta Machine (un de mes favoris) !
PS : oui j’assume, je vais faire ma mémère mais voyez-vous, ce que vous pensez je m’en tamponne pendant le show, je viens pour vivre le moment à fond, et quand votre voix porte au-dessus de la musique, ça m’emmerde !
La suprématie du trio de Basildon a une fois de plus été prouvée. 24 ans après son dernier passage à Bordeaux, Depeche Mode a inauguré en grande pompe et de façon magistrale cette Arena qui transpire désormais les sonorités d’un des plus grands groupe du monde. Bien loin du Speak & Spell de 1980, Depeche Mode est à l’apogée de son art, bien qu’il l’était déjà en 86, 88, 90 puis 94, avant de toucher les noirceurs de la drogue, de l’alcool et de la dépression. Ils ont su se relever, avancer, expérimenter, renouveler, sans jamais compromettre l’excellence de leur oeuvre en live. Leur son est impeccable, leur charisme majestueux, leur humilité grandissante et leur influence incommensurable.
See You Next Time…
Setlist :
Going Backwards
Barrel of a Gun
A Pain That I’m Used To (Jacques Lu Cont remix)
Useless
Precious
World in My Eyes
Cover Me
Insight
In Your Room
Where’s the Revolution
Everything Counts
Stripped
Enjoy the Silence
Never Let Me Down Again
Strangelove
Walking in My Shoes
A Question of Time
Personal Jesus
Mes vidéos : (inclues dans l’article)
Autres live report de la tournée :
Mêmes sentiments que Melissa depuis la fausse. Très bon show bien en place. Je ne regrette pas mon choix de voir (enfin) Depeche Mode live. Dommage par ailleurs que multitude de gens préfèrent regarder ce type de show derrière leur écran de téléphone… dommage piur eux (bien fait) mais dommage surtout pour ceux qui sont derrière eux (hier soir jusqu’à 5 téléphones brandis tel un mur. Fuck !)
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concert fantastique! un des meilleurs que j’ai vu avec un regret aucune chanson de delta machine
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